Le domaine royal de Versailles comprend 8000 hectares jusqu’à la Révolution. Aujourd’hui, sa superficie est de 830 hectares, dont 77 hectares de jardins (petit parc), 43 hectares pour le grand parc, 24 hectares pour le grand canal et 96 hectares pour le domaine de Trianon. 43 kilomètres d’allées permettent d’arpenter ce vaste site. 300 statues, bustes et vases font de ces jardins un véritable musée de plein air. 33 fontaines et bassins les agrémentent également, soit 620 jets d’eau, le tout entretenu via 35 kilomètres de galerie souterraine.
Lors de notre journée de visite du samedi, nous avons marché pas loin de 20 kg en arpentant le Château et ses Jardins ; autant vous dire que la fin de la journée fut rude et les courbatures nombreuses…
En sortant du Château, sur la droite, on peut se diriger sur la terrasse qui surplombe l’Orangerie.
On passe alors à côté du Parterre du Midi, ou Parterre des Fleurs : autrefois nommé Parterre de l’Amour, il est situé au-dessus de l’Orangerie construite par Jules Hardouin-Mansart. On y accède par un perron encadré de deux des plus anciennes sculptures du parc : Les Enfants aux sphinx.
Les enfants de bronze furent modelés par Sarazin, fondus par Duval en 1668 et placés sur des sphinx en marbre, sculptés par Lerambert. Les fleurs et les broderies de buis y forment des dessins savants. Au XVIIe siècle, pendant le règne de Louis XIV, des fleurs de couleurs vives étaient plantées et renouvelées sans cesse : giroflées, jacinthes, jasmins, tulipes, narcisses, lys, coquelourdes, œillets de poète et jonquilles.
Pour la petite anecdote, le gros doigt de pied de chacun des deux enfants est patiné et brillant, certainement sous l’effet de l’attrait irrésistible qu’il exerce sur les visiteurs qui ne peuvent s’empêcher d’y passer le doigt, comme l’ont d’ailleurs fait mes deux filles !
En contrebas du Château, on trouve l’Orangerie et son jardin : au XVIIe siècle, l’orange est un fruit rare et précieux ; avoir une orangerie à proximité de son château est vite devenu une tradition princière, signe de richesse et de luxe partout en Europe.
Construite par Jules Hardouin-Mansart entre 1684 et 1686, en remplacement de la petite orangerie édifiée par Le Vau en 1663, l’Orangerie du Château se compose d’une galerie centrale voûtée, longue de 150 mètres, prolongée par deux galeries latérales situées sous les escaliers des Cent-Marches.
Ces escaliers sont absolument monumentaux ; on s’y sent vraiment vraiment tout petit…
L’ensemble est éclairé par de grandes fenêtres. Le parterre de l’Orangerie s’étend sur pas moins de trois hectares. Sous Louis XIV, il était orné de quelques sculptures aujourd’hui au musée du Louvre. Composé de quatre pièces de gazon et d’un bassin circulaire, il accueille en été 1 055 arbres en caisses, dont palmiers, lauriers-roses, grenadiers, eugénia et orangers qui séjournent en hiver à l’intérieur du bâtiment.
Le bâtiment est conçu pour protéger les arbres exotiques (orangers, citronniers, grenadiers…) du froid ; construit au sud, donc face au soleil, il se situe en contrebas du château, ce qui le préserve du vent. Les murs sont très épais. Dès l’automne et durant l’hiver, il abrite les deux mille caisses d’arbres exotiques, dont environ 1800 caisses d’orangers et 200 palmiers.
Au printemps et en été, les arbres sont sortis et disposés sur le parterre prévu à cet effet ainsi que dans le reste des jardins. Ce parterre devient un véritable petit jardin exotique lorsqu’on y place les arbustes.
Le jardin de l’Orangerie est constitué de quatre plates-bandes en buis taillé autour d’un bassin central.
Pour vous donner une idée de la taille des portes, nous voici devant :
Juste devant le Château, deux grands bassins rectangulaires reflètent la lumière et éclairent la façade de la galerie des Glaces. Pour Le Nôtre, la lumière est un élément du décor, au même titre que la verdure ; dans ses compositions, il équilibre les masses d’ombre et de clarté.
Les deux parterres d’Eau apparaissent comme le prolongement de la façade du Château. Plusieurs fois modifié, cet ensemble ne reçut sa forme définitive qu’en 1685. Le décor sculpté fut alors conçu et dirigé par Charles Le Brun : chaque bassin est décoré de quatre statues couchées figurant les fleuves et les rivières de France : La Loire et le Loiret, Le Rhône et la Saône, La Seine et la Marne, La Garonne et la Dordogne ; auxquelles s’ajoutent quatre nymphes et quatre groupes d’enfants.
Les parterres d’Eau ne sauraient être séparés des deux fontaines, dites des Combats des Animaux, achevées en 1687, qui encadrent le grand escalier descendant vers le bassin de Latone.
Six statues allégoriques décorent l’ensemble : L’Air, Le Soir, Le Midi et Le Point du Jour, Le Printemps et L’Eau. Elles font partie de la « grande commande » de statues en marbre faite par Colbert en 1674.
Voici « Le Matin, dit aussi Point du Jour » (statue en marbre, 1680, Gaspard Marsy), et « Ariane endormie, dite aussi Cléopâtre » (statue en marbre, 1684-1686, Corneille Van Clève)
Louis XIV fait appel au jardinier André Le Nôtre en 1661 pour créer les jardins de Versailles, qui à ses yeux, sont aussi importants que le Château lui-même. Les travaux durent 40 ans. André Le Nôtre va créer un jardin « à la française », c’est-à-dire dans lequel la nature est maîtrisée pour former un ensemble régulier et symétrique.
Mais André Le Nôtre ne travaille pas seul.
Jean-Baptiste Colbert, Surintendant des bâtiments du Roi, de 1664 à 1683, dirige le chantier ;
Charles Le Brun, nommé Premier Peintre du Roi en janvier 1664, donne les dessins d’un grand nombre de statues et fontaines ;
un peu plus tard, l’architecte Jules Hardouin-Mansart ordonne des décors de plus en plus sobres et construit l’Orangerie.
Enfin, le Roi lui-même se fait soumettre tous les projets et veut le « détail de tout ».
La création des jardins demande un travail gigantesque. D’énormes charrois de terre sont nécessaires pour aménager les parterres, l’Orangerie, les bassins, le Canal, là où n’existaient que des bois, des prairies et des marécages. La terre est transportée dans des brouettes, les arbres sont acheminés grâce à des chariots de toutes les provinces de France ; des milliers d’hommes, quelquefois des régiments entiers, participent à cette vaste entreprise
Au centre de ce jardin se trouve une allée de pelouse : c’est l’axe de la perspective, qui conduit notre regard vers l’infini et l’horizon.
L’Allée Royale est aussi appelée le « tapis vert » et mesure 335 mètres ; elle mène jusqu’au bassin du char d’Apollon. Son tracé date de Louis XIII, mais Le Nôtre la fit élargir et scander de douze statues et douze vases, placés par paires symétriques. Pour la plupart, ce sont des œuvres envoyées par les élèves de l’Académie de France à Rome au XVIIe siècle. De part et d’autre, des allées permettent d’accéder aux bosquets que le promeneur découvre au fur et à mesure de son cheminement.
Le jardin de Versailles a été conçu pour être contemplé depuis les appartements.
En créant ces jardins, Louis XIV fait également passer un message : il veut symboliser son pouvoir absolu. En effet, le roi est en généralement représenté en Apollon, dieu du soleil, dieu guerrier et en même temps protecteur des sciences et des arts. Il représente l’harmonie et instaure la paix.
L’emblème du soleil choisi par Louis XIV illustre sa puissance : c’est le soleil qui dicte au cosmos (au monde) ses règles. Louis XIV aimera toute sa vie ses jardins. Il rédigera même un guide intitulé Manière de montrer les jardins de Versailles, conseillant un « parcours de visite ». À la fin de sa vie, il continuera de s’y promener en « roulette » (chaise roulante).
Au premier plan de l’Allée Royale, se trouve le bassin de Latone, inspiré par Les Métamorphoses d’Ovide ; il illustre la légende de la mère d’Apollon et de Diane protégeant ses enfants contre les injures des paysans de Lycie, et demandant à Jupiter de la venger. Ce qu’il fit en les transformant en grenouilles et en lézards.
Le groupe central en marbre, sculpté par les frères Marsy, représente Latone et ses enfants.
L’ensemble se dressait à l’origine, en 1670, sur un rocher. Il était entouré de six grenouilles à demi sorties de l’eau, et vingt-quatre autres disposées hors du bassin, sur la plate-forme de gazon. La déesse regardait alors vers le château. Cet aménagement fut modifié par Jules Hardouin-Mansart entre 1687 et 1689. Le rocher fit place à un soubassement concentrique en marbre et le groupe de Latone regarde désormais vers le Grand Canal. Le bassin de Latone se prolonge par un parterre où sont placés les deux bassins des lézards.
Le jardin est composé de plusieurs bosquets, également appelés cabinets de verdure : ce sont des salons de plein air que l’on ne découvre qu’une fois passé l’entrée. Chaque bosquet est différent. Ils sont destinés à surprendre. Nombre de bosquets ont disparu, comme le labyrinthe, du fait de leur fragilité et d’un entretien coûteux.
Quatre bassins représentant les saisons se trouvent aux carrefours du jardin bas. Les bassins marquent le temps qui passe et la course du soleil. Les quatre figures regardent d’ailleurs vers le grand axe.
Le bassin de Cérès : au nord-est, l’été est représenté par Cérès, la déesse des moissons. Cérès est allongée sur un lit d’épis de blé, elle est entourée de petits cupidons. Cérès rappelle que l’été est la saison des moissons et de la récolte du blé.
Le bassin de Flore : au nord-ouest, le printemps est représenté par Flore, la déesse des fleurs et du printemps. Elle est figurée en jeune fille entourée de fleurs et de bourgeons. Flore rappelle que le printemps est la saison de la renaissance de la nature et du retour des fleurs.
Le bassin de Saturne : au sud-ouest, l’hiver est représenté par Saturne, le dieu du temps. L’hiver est la dernière saison de l’année, il symbolise la fin de la vie humaine. C’est pourquoi Saturne est représenté en vieillard frigorifié.
Le bassin de Bacchus : au sud-est, l’automne est représenté par Bacchus, le dieu du vin et de l’ivresse. Le lierre (plante grimpante) et les grappes de raisin sont ses emblèmes. Il évoque les plaisirs de la vie. Il est accompagné de petits satyres (personnages à corps humain et pattes de boucs). Bacchus rappelle que l’automne est la saison des vendanges
De nombreuses fêtes ont lieu dans les jardins de Versailles comme Les plaisirs de l’île enchantée en mai 1664. Cette fête, qui a duré 8 jours et 8 nuits, était donnée en l’honneur de Louise de La Vallière, la favorite du roi Louis XIV. 600 personnes ont assisté à des défilés équestres, ballets, feux d’artifices, jeux, courses de bagues… Trois pièces de Molière y sont également jouées, ce qui a nécessité 4 mois de préparation. Cette fête était réservée à la cour. Quelques années plus tard, en 1668, Louis XIV donne un Grand divertissement, en l’honneur de Madame de Montespan, fête ouverte au public, ce qui a donné lieu à quelques débordements.
Nous n’avons malheureusement pas pu voir l’ensemble des bassins et bosquets des Jardins ; il nous aurait fallu une bonne demi-journée de plus et nos jambes auraient eu toutes les peines du monde à nous supporter plus longtemps.
Au cours de notre deuxième matinée de visite, nous avons exploré la partie droite des Jardins, en commençant par le bosquet de la Salle de Bal ou bosquet des Rocailles.
C’est le dernier bosquet réalisé par André Le Nôtre à son retour de voyage d’Italie. Ce bosquet prend d’ailleurs la forme d’un amphithéâtre romain. À l’origine, en 1685, ce bosquet est composé de gradins recouverts d’une pelouse comme aujourd’hui et d’une piste de danse en marbre au centre. De l’autre côté des gradins, se trouve une cascade derrière laquelle s’installaient les musiciens. Le décor rappelle le spectacle : sur les 4 vases placés à l’entrée figurent des scènes de danse ; les torchères illustrent les thèmes de la musique et de la danse.
En 1707, la piste de danse est retirée et le bosquet prend alors le nom de bosquet des Rocailles. Ce terme de rocaille englobe l’ensemble des pierres meulières reliées entre elles par un fil métallique, mais aussi les concrétions de grés dont les formes sont naturelles, les coquillages ramenés de la mer Rouge et de l’océan Indien et les lapis-lazuli, pierres semi précieuses de couleur bleue.
En partant de la Salle de Bal, on arrive au bassin de Bacchus, puis au Bassin de Saturne. En tournant sur la gauche, on accède au bassin du Miroir : Louis XIV commanda le bassin du Miroir vers 1702. Construite en face du Jardin du Roi, la sculpture des deux dragons, qui encadrent le bassin, fut confiée à Jean Hardy. Installé sur trois niveaux, le bassin donne sur cinq allées et quatre statues antiquisantes, dont celle d’Apollon.
Nous avons ensuite flâné dans le Jardin du Roi : le bassin du Miroir se trouvait à l’extrémité d’une grande pièce d’eau appelée l’Île d’Amour ou Île Royale (1674) sur laquelle avaient lieu les essais des maquettes de navires de guerre. Non entretenue pendant la période révolutionnaire, elle fut supprimée en 1817 par l’architecte Dufour, sur ordre de Louis XVIII et remplacée par le Jardin du Roi, jardin clos, tracé à l’anglaise, planté de superbes espèces disparues en bonne partie lors de la tempête de 1999. Seul subsiste de l’aménagement originel le bassin du Miroir.
Nous voici maintenant devant le bosquet de la Colonnade : construite à partir de 1685 par Jules Hardouin-Mansart, la Colonnade a remplacé un bosquet créé par Le Nôtre en 1679 : le bosquet des Sources. Un péristyle accompagne les 32 colonnes de marbre ioniques. Les tympans triangulaires entre les arcades sont décorés de bas-reliefs représentant des enfants. Les claveaux des arcs s’ornent de têtes de nymphes et de naïades. Au centre, un soubassement circulaire de marbre sert de socle au fameux groupe exécuté entre 1678 et 1699 par Girardon : L’Enlèvement de Proserpine par Pluton.
Dommage, nous sommes arrivés juste quelques minutes après la fin de la mise en eau. J’aurais aimé voir toutes ces fontaines en action !
Enfin, nous voilà arrivés devant le bassin du Char d’Apollon : dès 1636, sous Louis XIII, existait à cet endroit un bassin, dit alors des Cygnes, que Louis XIV fit orner de l’impressionnant et célèbre ensemble en plomb doré représentant Apollon sur son char. L’œuvre de Tuby, d’après un dessin de Le Brun, s’inspire de la légende d’Apollon, dieu du Soleil et emblème du Roi. Tuby exécuta ce groupe monumental entre 1668 et 1670 à la manufacture des Gobelins, date à laquelle il fut transporté à Versailles puis mis en place et doré l’année suivante.
Juste derrière le bassin d’Apollon, s’étend le Grand Canal : il est la création la plus originale d’André Le Nôtre qui a transformé la perspective est-ouest en une longue trouée lumineuse. Les travaux durèrent onze ans, de 1668 à 1679. Le Grand Canal, long de 1 670 mètres, fut le cadre de nombreuses fêtes nautiques et de nombreuses embarcations y naviguaient. Dès 1669, Louis XIV fit venir des chaloupes et des vaisseaux en réduction. En 1674, la République de Venise envoya au Roi deux gondoles et quatre gondoliers qui logeaient dans une suite de bâtiments à la tête du Canal, appelés depuis Petite Venise. Si l’été voit la flotte du Roi s’y déployer, l’hiver, patins et traineaux investissent les eaux gelées du Grand Canal.
Et voici la vue que l’on a lorsque l’on est devant le bassin d’Apollon et que l’on se retourne vers le Château !
La Pièce d’eau des Suisses
Creusé pour embellir l’axe nord-sud des jardins, dont l’Orangerie dont il est séparé par la route de Saint-Cyr, théâtre de fêtes nautiques sous l’Ancien Régime, ce grand bassin remplace une zone marécageuse appelée « étang puant » qui causait de nombreuses maladies parmi les habitants de Versailles. De forme octogonale à partir de 1665, il fut agrandi vers 1678 par les Gardes suisses puis à nouveau en 1682 en le dotant de ses extrémités arrondies. Les terres retirées lors des travaux servirent à la création du Potager du Roi. À son extrémité sud, on installa une statue équestre du Bernin représentant Louis XIV, transformé en Marcus Curtius par François Girardon car le Roi ne se trouvait pas à son avantage. Il pouvait d’ailleurs accéder à son potager par des allées de platanes maintenant bi-centenaires et une « grille royale » qui donne toujours sur la pièce d’eau.
Nous voici arrivés au terme de cette visite des Jardins du Château ; mais pas au terme de la visite, puisqu’il nous reste encore à découvrir le Grand Trianon, le Petit Trianon et le Hameau de la Reine… Reposons nous quelques instants avant de reprendre la visite.
Encore quelques kilomètres à parcourir… qui feront l’objet d’un prochain article…
J’ai été interpellée par cette statue avec le bébé, située dans la demi-lune du bassin d’Apollon : après recherches, il s’agit de Silène portant le jeune Bacchus (Silène étant un satyre père adoptif et précepteur de Bacchus).
A droite de mon homme se trouve Jupiter, et à gauche, je pense qu’il s’agit de Junon (dans la mythologie romaine, Junon, en latin Juno, est la reine des dieux et protectrice du mariage. Fille de Rhéa et de Saturne, elle est à la fois sœur et épouse de Jupiter. Ses attributs sont le paon, un sceptre surmonté d’un coucou et une grenade, symbole de l’amour conjugal, le lys et la vache.)